Sud et Est Américain

18 mars

Il est temps de partir de New York. Après deux semaines au même endroit, nous avons un peu perdu l’habitude de nous mettre en route et remettre les sièges en mode route prend plus de temps que d’habitude. « Au revoir, New York ! Au revoir, Statue de la Liberté ! » disent les enfants.

Cette ville a une ambiance à part, très agréable pour un visiteur. Nous avons adoré nous y balader. En revanche vivre ici a un prix : le loyer moyen à Lower Manhattan dépasse 3 300 USD pour un appartement avec une seule chambre. D’après les tweets cités par les quotidiens gratuits, les gens se plaignent de la promiscuité dans les transports en communs. Probablement à cause de la fatigue inhérente à la vie dans une métropole, les New Yorkais ont une réputation de gens peu accueillants. Mais ce n’est pas notre impression. Nos enfants n’ont jamais voyagé debout, des passagers se levaient toujours pour leur laisser une place assise dans les transports. Et en nous voyant consulter un plan, les gens s’arrêtaient pour nous proposer de l’aide.

En début d’après-midi nous arrivons à Philadelphie. L’autoroute traverse les quartiers du nord assez pauvres. L’architecture nous rappelle les villes mexicaines, à ceci près que les maisons sont ici en briques rouges.

Il est encore tôt et notre intention pour cet après-midi est de voir la collection de la fondation Barnes. Ce collectionneur a laissé un testament qui précisait la disposition des tableaux au centimètre près. Et l’effet est saisissant. Sur le même mur se côtoient des peintures religieuses du moyen âge, des impressionnistes et du Soutine. Malgré la densité importante d’œuvres, les arrangements d’œuvres ornant le même mur, que Barnes appelaient ensembles, sont très agréables à regarder. Plusieurs dizaines de tableaux de Renoir et de Cézanne sont présents. Ils auraient suffi à faire une exposition thématique de ces peintres. Marie fait chercher aux enfants les tableaux de Renoir et de Cézanne en pénétrant dans chaque salle. C’est plus facile pour Renoir. « C’est flou et c’est beau » dit Stella. Pour Cézanne, Clara y arrive plutôt bien. Elle trouve que les musées auraient dû employer Barnes de son vivant pour réarranger les tableaux sur leurs murs.

Le soir nous arrivons au camping. C’est un parking déporté du centre hospitalier qui offre quelques emplacements pour camping-cars avec eau, électricité et sanitaires. Bien que le lieu n’ait en soi pas de charme particulier, le personnel est chaleureux et une navette gratuite pour aller en ville circule régulièrement.

 

19 mars

La navette nous dépose près de l’hôpital, une ville dans la ville, d’où nous prenons un bus. Le trajet se fait facilement et nous voilà à l’Independence National Historical Park.

Nous sommes en semaine et hors saison, le groupe pour la visite guidée de l’Independence Hall est composé uniquement d’étrangers. Le ranger connaît bien son sujet et apprend au groupe les faits historiques qui ont amené les anciennes colonies à rechercher leur Independence vis-à-vis de la couronne d’Angleterre.

 

Dans le bus, Justine admire le beau bouquet tenu par une jeune femme. Celle-ci la remarque et en donne une fleur à Justine, et ensuite encore une autre lorsque Clara prend la première fleur pour la regarder. Justine est aux anges et commentera la fleur, sa douceur, sa couleur, sa beauté, ses pétales etc pendant toute la soirée.

 

20 mars

Dans le bus nous croisons de nouveau la femme qui a donné hier des fleurs à Clara et Justine. Elle est originaire de Brooklyn et vit à Philadelphie depuis un an.

La météo a prévu de la neige pendant la journée mais nous partons néanmoins nous promener. En premier nous passons voir le Comcast building avec son écran géant et y restons déjeuner dans la food court.

Lorsque nous en ressortons, des gros flocons de neige tombent. Contrairement à New York, il n’y a ici pas de vent et le froid n’est pas glacial.

Nous poursuivons la promenade au lieu d’aller nous refugier dans le musée des beaux arts. La neige a forcé les habitants à rester à l’intérieur, et dehors les passants sont rares. Mais la promenade vaut le coup, les quartiers de South Street et de Society Hill ont beaucoup de charme sous la neige.

Les flocons continuent à tomber tout l’après-midi. On ne dirait pas que c’est le premier jour du printemps.

 

Nous apprenons avec stupéfaction que Justine a compris toute seule comment lire. Elle arrive à lire des phrases simples, sans encore bien connaitre les sons qui s’écrivent avec plusieurs lettres. Comment elle a appris restera pour nous un mystère. Marie, l’unique maitresse d’école, concentrait par manque de temps ses efforts sur Clara et Maxime, respectivement en CM1 et CE1. Justine et Stella, toujours en maternelle, avaient quelque chose à faire uniquement lorsqu’elles réclamaient du travail à corps et à cris.

Quand nous rentrons au camping, la neige commence à tenir sur la route. Nous avons prévu de partir demain pour Washington DC mais la météo prévoit une tempête de neige pour demain matin. Les écoles seront fermées et les compagnies aériennes prévoient d’annuler plus de mille vols à partir de l’aéroport de Philadelphie.

« Philli », comme l’appellent ses habitants, nous a beaucoup plu. Nous aimerions prolonger notre séjour ici mais il nous faut avancer si la météo le permet.

 

21 mars

Il n’a pas neigé pendant la nuit, contrairement aux prévisions, et ce matin il pleut plus qu’il ne neige. Il nous semble donc que la réalité de la météo ne colle pas avec les prévisions. Nous décidons donc de prendre la route. Grand mal nous a pris.

La neige tombe de plus en plus fort et commence à tenir sur la route. Quelques dizaines de kilomètres après Philadelphie, des blocs de neige glissent sur le pare-brise depuis le toit du camping-car. Ces blocs de neige se coincent dans les essuie-glaces et les mettent hors service.

Nous continuons à avancer malgré tout à petite vitesse, sans essuie-glaces qui ne fonctionnent plus. Le thermomètre baisse un peu. Si au début la neige fondait sur le pare-brise et tombait d’elle-même,  maintenant elle reste colée en obstruant la vue du conducteur. Nous sommes en train de sortir de l’autoroute lorsqu’un camion nous double en envoyant un tas de neige sur le pare-brise, bouchant complètement la vue.

Nous sortons de l’autoroute au bon moment, un bouchon s’est formé juste après la sortie. Sur une aire de repos pour camions, dotée d’un restaurant, des voitures patinent dans la neige et des chasse-neige poussent des camions qui n’arrivent plus à avancer dans la légère montée. Nicolas réussit à garer le camping-car, à notre plus grand soulagement.

 

Au restaurant la télé diffuse en boucle des images de la tempête de neige. Nous n’irons pas plus loin aujourd’hui et attendons le lendemain que ça se calme pour continuer notre route. Les enfants, enchantés par la tournure des événements, partent jouer dans la neige.

 

22 mars

La neige a cessé et nous poursuivons notre route sous un soleil radieux. Vers midi nous arrivons chez Irina et Viktor où nous sommes invités à rester jusqu’à notre départ. Ils vivent avec Ganna, la mère de Viktor, à College Park. C’est une belle banlieue de Washington DC où se trouve l’University of Maryland, où Viktor travaille.

Nos hôtes sont la gentillesse incarnée, ils ont préparé des lits pour tout le monde et supportent même nos 4 enfants pleins d’entrain.

Irina amène Marie et les enfants faire un tour du quartier pendant que Nicolas s’occupe du camping-car. Il parviendra à refaire fonctionner les essuie-glaces.

 

L’endroit est très joli, les écureuils sautent de branche en branche.

 

23 mars

Nous prenons le métro pour aller à Washington DC voir The Mall, un grand espace vert à côté du Capitole. En bordure de la pelouse sont alignées des toilettes portables en prévision de la gigantesque manifestation contre les armes à feu prévue pour le lendemain. D’après Irina, l’activité des compagnies qui fournissent ces toilettes mobiles est en pleine expansion depuis les dernières élections présidentielles.

Nous allons au Air and Space Museum, l’un des nombreux musées gratuits et de très grande qualité de Washington DC. Les expositions sont très intéressantes, nous y restons toute la journée.

 

Washington DC est un territoire fédéral et ne fait partie d’aucun Etat. Ainsi, ses habitants n’ont pas de représentant au Congrès. D’où l’inscription sur les plaques d’immatriculation, reprise du slogan de mouvements pour l’indépendance des colonies au 18ème siècle.

 

24 mars

Aujourd’hui a lieu à Washington DC la March of Our Lives. La fusillade de Parkland, en Floride, où 17 élèves ont été tués, a provoqué un vaste mouvement contre les armes à feu dans tous les Etats-Unis. La manifestation est organisée à Washington DC par les élèves de la Marjory Stoneman Douglas High School, où la fusillade a eu lieu. La revendication est de renforcer le contrôle sur les ventes d’armes à feu. En effet, dans de nombreux états on peut se procurer des armes à feux à partir de 18 ans. A titre de comparaison, il faut avoir 21 ans pour acheter de l’alcool.

March for Our Lives a attiré des centaines de milliers de participants. D’autres manifestations ont eu lieu le même jour dans d’autres villes à travers les Etats-Unis.

Nous passons la journée chez Joy, une amie de Marie. Joy habite aussi en banlieue de Washington DC mais dans l’état de Virginie, alors que la maison d’Irina et Viktor se trouve dans l’état du Maryland.

Les enfants sont ravis de jouer avec Daphnée (11 ans) et Violette (8 ans) qui parlent français. Joy et Pascal ont déménagé ici il y a quelques mois. Ils habitaient avant en Californie dans la Silicon Valley. Joy dit que les devoirs à l’école des filles en Californie étaient très différents de ceux d’ici. En Californie les enfants travaillaient par projet alors qu’ici les devoirs sont à faire en individuel.

Irina et Victor nous disent que la fusillade de Parkland a attiré autant l’attention du public entre autres parce que ça s’est passé dans des beaux quartiers. La violence est malheureusement le quotidien des quartiers pauvres. Ce point de vue se retrouve dans des articles de journaux les jours suivants.

Irina a été désignée pour servir pendant 3 mois dans le Grand Jury. Cette commission examine les dossiers et décide de l’engagement ou non de poursuites contre les suspects. Irina nous parle de la formation qu’elle a reçue à cette occasion. Il s’agissait de déterminer dans des jeux de rôle si la personne devant soi était un tueur potentiel pour éventuellement le neutraliser avant. Elle se souvient comment dans ces situations il était difficile de prendre la bonne décision faute de temps.

 

25 mars

Demain Nicolas va conduire le camping-car au port de Baltimore pour le renvoyer en France. Toute la matinée passera à la préparation.

Viktor, qui joue de la batterie et fait partie d’un groupe, nous fait découvrir le jeu vidéo Rock-Band. Nous passons un bon moment à chanter les Beatles, avec un enfant à la batterie avec Viktor et un autre à la guitare, à essayer de suivre les indications pour jouer et chanter. Cette activité réconcilie Marie avec le choix de Maxime d’apprendre à jouer de la batterie.

 

26 mars

Nous disons au revoir au camping-car. Nicolas part pour Baltimore, situé à une cinquantaine de kilomètres. Effectuer les formalités et déposer le véhicule au port prendra tout de même quelques heures. Il reviendra en train.

A7h30, Marie amène Clara, Maxime et Justine à University Park Elementary School. Cette école a accepté que les enfants viennent y passer une journée. Depuis 4 jours Justine demandait deux fois par jour quand est-ce que c’est l’école. Les autres sont tout aussi impatients mais ont une meilleure notion du temps et peuvent calculer par eux-mêmes.

L’école est grande, les enfants sont un peu intimidés en arrivant. La secrétaire, très gentille, les amène dans leurs classes respectives.

Stella, venue déposer ses sœurs et son frère à l’école, s’exclame en regardant dans une classe : « Maman, les enfants ici sont plus petits que moi ! » En effet, Marie n’a pas vraiment demandé pour Stella en la croyant encore trop jeune. Il se trouve que dans cette école il y a effectivement des petits comme elle.

Sur le chemin du retour, Stella est triste et manque une paire de fois de fondre en larmes. Elle aussi aimerait bien aller à l’école. Marie l’amène voir la National Gallery of Art à Washington DC. Dans une famille avec 4 enfants, une journée toute seule avec maman vaut aussi quelque chose, même si aller à l’école aurait été mieux.

Le musée est immense et Marie cible l’Art Moderne. Ayant appris à reconnaître le style de Renoir à la fondation Barnes, Stella s’amuse à trouver ses tableaux.

A 13h55 les enfants finissent l’école. Ici peu de parents viennent chercher leurs enfants mais ils sont nombreux, même les petits, à prendre le bus scolaire. En effet, le bus les dépose devant leur maison. Nous avions déjà vu ça au Canada.

Nos petits écoliers sont enchantés par leur journée. Les maitresses ont fait un travail remarquable pour les intégrer dans leurs classes respectives. Les autres élèves étaient très gentils et nos enfants ont passé une journée formidable.

Nous ne saurons jamais ce qui a le plus plu aux enfants à l’école. A chaque fois que l’on pose la question, ils disent tous à l’unisson « Tout ! ».

 

Le soir nous discutons avec Irina et Viktor, dont les enfants étaient jadis à cette même University Park Elementary School. Ayant de l’avance en maths, leurs enfants ont suivi les cours de maths du collège en étant en primaire, cours de maths du lycée en étant au collège et leur fils a même suivi les cours à la fac en étant au lycée. Le système scolaire, très souple, permet cela pourvu que les parents s’occupent du transport.

 

27 mars

Notre ambition est d’aller voir les pandas au Zoo de Washington DC. Mais il fait froid et les espaces panda à l’extérieur sont vides. Nous les retrouvons enfin à l’intérieur, dans des pièces chauffées. « Qu’est-ce qu’ils sont mignons ! » disent les enfants. Nous verrons aussi des orangs-outangs, des gorilles, des lions, des tigres, des éléphants, des poissons… Le zoo est grand, très bien aménagé, nous n’avons pas eu le temps de voir tous les animaux. A signaler que, comme la plupart des musées de Washington DC, il est gratuit.

 

28 mars

Nous retournons au Mall faire le circuit des monuments et voir la Maison Blanche et le Capitole. Avant de commencer la promenade, nous nous arrêtons chez le boulanger Paul, oui le même qu’en France, qui a ouvert des magasins à Washington DC. Il propose du café et des sandwichs à la française, des viennoiseries et du bon pain aux céréales qu’aiment nos hôtes.

Le soleil est au rendez-vous, et tout à coup les adultes voient Clara et Maxime sans veste. « Est-ce que quelqu’un t’a dit « oui » pour l’enlever ? » demande Nicolas, craignant que nos enfants ne prennent froid. « C’est mon esprit qui m’a dit « oui », rétorque Maxime. « Mon esprit m’a dit oui, mais papa et maman ont dit non » remarque tristement Justine, à qui Marie avait déjà demandé de remettre la veste.

 

En fin de journée nous passons récupérer la voiture de location que nous avions réservée pour nous rendre demain à l’aéroport. On nous donne le même modèle 7 places qu’au Canada lorsque nous étions arrivés à l’aéroport d’Halifax au tout début du voyage, une Dodge Grand Caravan.

 

29 mars

Notre voyage est bel et bien fini, nous prenons l’avion pour rentrer aujourd’hui. Nous faisons nos (peu de) bagages et il est temps de dire « Au revoir » à Irina, Viktor et Ganna. Ils ont été très gentils avec nous bien que l’arrivée de notre famille ait sérieusement perturbé leur rythme de vie. Irina a pris des vacances pour pouvoir nous accueillir et nous a préparé des plats délicieux. Nous sommes tristes de les quitter, nous nous plaisions beaucoup en leur compagnie. Viktor vient de temps à autre en France pour le travail, peut-être aurons nous l’occasion de se revoir d’ici une paire d’années.

Nous arrivons à l’aéroport de Washington Dulles après une heure de route environ, faisons le plein du réservoir d’essence de la voiture et la rendons chez Avis, d’où une navette nous amène au gigantesque terminal. Nous donnons nos bagages en soute et passons les contrôles de sécurité, en version moins approfondie pour nous grâce à la présence des enfants. Contrairement à tous les autres passagers, on nous épargne le passage dans le sas scanner corporel individuel, pour nous le portique suffira. Nous prenons le gouter chez Starbucks où nous liquidons nos derniers dollars et dernières pièces que le caissier mettra un petit moment à compter (et réglons le complément par carte bancaire).

Le moment venu, nous embarquons en premier, toujours grâce aux enfants, dans notre vol Austrian airlines à destination de Vienne, qui part à l’heure prévue.

Nous avons aimé la côte Est américaine autant que l’Ouest. L’Ouest est aussi escarpé que la cote Est est plate. Nous n’avons pas vu une seule montagne ni même une grosse colline sur toute la côte, à l’origine probablement très marécageuse. La visite des Appalaches, plus à l’intérieur des terres, sera pour une prochaine fois. De toute façon en cette saison ce n’était pas possible.

Les gens dans ce pays sont d’une grande gentillesse. Nous ne nous attendions pas à être si bien accueillis. Lorsque l’on parle des Etats-Unis, c’est souvent le mot « individualisme » qui vient à l’esprit. Après avoir passé 6 mois ici, nous pensons que c’est la générosité qui caractérise mieux les américains.

Le pays porte bien son nom car c’est réellement une union de 50 états différents. Chaque état conserve sa propre identité. Il paraît que c’est moins vrai dans les grandes villes, à cause probablement d’une plus grande mobilité des citadins.

Nous avons passé presque 6 mois aux Etats-Unis et n’avons pas tout vu. Ce n’est que partie remise, nous reviendrons sans doute un jour pour découvrir les autres beautés que recèle ce pays et profiter encore de la compagnie de ses habitants.

 

30 mars

Nous atterrissons à Vienne en Autriche de bon matin avec 45 minutes d’avance et 6 heures de décalage horaire. A part Justine et Stella, nous n’avons pas vraiment dormi. Nous trouvons dans l’aéroport une aire de jeux pour les enfants où nous patientons jusqu’à notre correspondance pour Paris.

Arrivés à Paris, nous récupérons nos bagages et quittons l’aéroport en RER.

 

1er avril

Après avoir la veille remis en route notre voiture, restée à l’abri en hivernage en région parisienne pendant tout notre voyage, nous rentrons chez nous en Bretagne en voiture.

La boucle est bouclée. La vie d’avant reprend son cours.

Nous sommes tous très contents de cette expérience qui restera vraisemblablement gravée dans nos mémoires.